La gomme arabique, extraite des acacias, est un ingrédient clé utilisé comme stabilisant et épaississant dans de nombreux produits du quotidien. Des aliments pour animaux aux cosmétiques, en passant par les friandises comme le Coca-Cola et les M&M’s, elle est partout.
Ce que l’on sait moins, c’est que plus de 80 % de cette précieuse résine provient du Soudan. Mais dans un pays ravagé par les conflits, son commerce est loin d’être anodin. Corruption, contrebande, trafics en tout genre… La gomme arabique est devenue une ressource stratégique qui alimente les tensions et finance les efforts de guerre. Une réalité méconnue aux conséquences bien réelles.
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La gomme arabique est un extrait séché et soluble dans l’eau provenant d’un arbre appelé acacia. Elle ne peut être récoltée que sur deux espèces d’acacias présentes en Afrique subsaharienne.
Principalement issue du Sahel, une vaste région s’étendant du Sénégal au Soudan, la gomme arabique est exploitée depuis des millénaires. Dans l’Égypte antique, elle jouait déjà un rôle essentiel, notamment dans le processus d’embaumement.
Aujourd’hui, la gomme arabique est omniprésente. De l’industrie alimentaire à la peinture en passant par la photographie, ses applications sont aussi variées qu’essentielles.
À la fin de la saison des pluies, la gomme arabique est extraite des acacias matures, principalement des espèces A. senegal (la principale source) et A. seyal. Ces arbres ont généralement entre cinq et vingt-cinq ans au moment de la récolte.
De petites incisions sont pratiquées sur les branches et les troncs des acacias. Dans les semaines qui suivent, la sève s’écoule par ces ouvertures. En séchant à l’air libre, elle forme de petites sphères aux reflets rosés, semblables à des cristaux.
Toutes les deux semaines environ, la gomme est collectée puis exposée au soleil pour un séchage complet. Elle est ensuite vendue à l’état brut ou transformée en poudre ou sous une autre forme séchée.
La gomme arabique est vendue à travers le monde pour ses propriétés d’émulsifiant, de stabilisant et d’agent liant. La majorité des exportations est destinée aux États-Unis, à l’Europe et à l’Inde.
La prochaine fois que vous savourerez un Coca-Cola, sachez que son goût distinctif est préservé grâce à la gomme arabique.
Essentielle à de nombreux produits transformés, la gomme arabique est aussi difficile à remplacer.
Dans les régions exportatrices touchées par l’instabilité politique et les conflits, la gomme arabique devient un atout stratégique.
Depuis l’escalade du conflit au Soudan en 2023 entre l’armée nationale et les groupes paramilitaires, la gomme arabique est au cœur des enjeux du conflit.
La forte demande et la pression des multinationales ont conduit certaines entreprises à se procurer la gomme arabique par des moyens détournés.
L’Union européenne a mis en place un projet via l’Agence française de développement pour garantir la poursuite de la production de gomme arabique malgré les ravages de la guerre au Soudan.
Présenté comme un soutien aux femmes et aux jeunes, ce projet justifie la poursuite de la production de gomme arabique en raison de la dépendance économique de près de 15 % de la population, affirmant qu’il s’agit d’une responsabilité internationale.
Les communautés de récolte font face à de graves difficultés, allant de l’effondrement des communications et des transports à la fermeture des écoles et à la disparition des services essentiels.
Si l’Union européenne reconnaît ces difficultés, son projet sur la gomme arabique reste avant tout axé sur l’optimisation de sa commercialisation.
Bien que le financement de l’Union européenne soit soumis à des normes de transparence strictes, la corruption et la violence qui règnent dans la région révèlent des failles dans sa régulation.
Des géants comme L’Oréal et Nestlé dépendent largement de la gomme arabique pour leurs processus industriels.
Depuis avril 2023, les Forces de soutien rapide (FSR) ont pris le contrôle des principales régions productrices de gomme arabique, notamment le Kordofan et le Darfour.
Les commerçants soudanais ne peuvent vendre la gomme arabique qu’en versant une taxe aux Forces de soutien rapide. En conséquence, sa circulation échappe aux certifications garantissant l’absence de lien avec le conflit.
En parallèle, la gomme arabique circule également par des voies non officielles, notamment à travers des marchés frontaliers informels.
Les Forces de soutien rapide nient toute exploitation de la gomme arabique, affirmant ne percevoir qu’une modeste taxe sur sa distribution et dénonçant les accusations comme de la propagande dirigée contre elles.
D’autres pays, comme le Tchad, l’Égypte et le Sénégal, bien que moins producteurs que le Soudan, ont intensifié leur présence sur le marché de la gomme arabique.
Selon des acteurs de l’industrie alimentaire, il est aujourd’hui presque impossible de déterminer avec certitude l’origine de l’approvisionnement en gomme arabique.
Les commerçants restent évasifs sur l’origine de la gomme arabique. L’Association for International Promotion of Fums (AIPG) a même affirmé que la chaîne d’approvisionnement du produit n’était pas affectée par le conflit au Soudan.
La plupart des grands fabricants refusent de s’exprimer sur le sujet, tandis que la gomme arabique issue de la contrebande circule via des réseaux informels avant d’intégrer la chaîne d’approvisionnement globale.
Avant 2023, la gomme arabique était triée à Khartoum, acheminée vers Port-Soudan, puis expédiée à travers le canal de Suez vers ses destinations internationales.
Depuis 2024, des marchés liés aux Forces de soutien rapide ont émergé le long des frontières et dans les pays voisins, comme la Centrafrique et le Kenya, où la gomme arabique est exportée illégalement.
Indispensable à de nombreuses industries, la gomme arabique souffre d’un manque de certification et d’un réseau de contrebande difficile à tracer. Dans ces conditions, il est impossible pour les producteurs de garantir un approvisionnement exempt de tout lien avec le conflit.
Sources: (Britannica) (European Union) (Reuters)
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La gomme arabique, extraite des acacias, est un ingrédient clé utilisé comme stabilisant et épaississant dans de nombreux produits du quotidien. Des aliments pour animaux aux cosmétiques, en passant par les friandises comme le Coca-Cola et les M&M’s, elle est partout.
Ce que l’on sait moins, c’est que plus de 80 % de cette précieuse résine provient du Soudan. Mais dans un pays ravagé par les conflits, son commerce est loin d’être anodin. Corruption, contrebande, trafics en tout genre… La gomme arabique est devenue une ressource stratégique qui alimente les tensions et finance les efforts de guerre. Une réalité méconnue aux conséquences bien réelles.
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