En juin 2024, un navire de guerre russe et un sous-marin à propulsion nucléaire ont accosté à La Havane, à Cuba, accompagnés de deux navires de soutien. Leur présence a marqué le début d'un entraînement naval russe de grande envergure dans les Caraïbes qui est à attendre dans les prochains mois. Cette démonstration de force n'est pas passée inaperçue à Washington, et elle a été interprétée par certains comme une réponse de la Russie au soutien de l'Ukraine par les États-Unis. Néanmoins, tous les regards sont actuellement tournés vers la mer de Chine méridionale, dans laquelle une récente "rencontre" entre un navire affrété par la marine philippine et les garde-côtes chinois a poussé le président des Philippines à décrire l'incident comment étant pratiquement un "acte de guerre". Alors, dans quelle mesure est-il possible que ces différends viennent alimenter un conflit maritime mondial ?
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L'arrivée à Cuba du sous-marin nucléaire russe Kazan et de la frégate Admiral Gorshkov le 12 juin 2024 a alerté Washington.
Les navires, qui font partie d'un détachement naval russe, sont entrés dans le port de La Havane en préparation d'entraînements aériens et navals prévus dans les Caraïbes pour les semaines à venir, selon un responsable américain.
L'exercice, qui impliquera des navires de guerre russes et des bombardiers de longue portée, sera surveillé de près, car ce sont les premières manœuvres aériennes et navales effectuées en simultané par la Russie dans les Caraïbes depuis 2019.
Deux navires de guerre dans le port de La Havane accompagnaient deux navires de soutien, le pétrolier de la flotte Pashin et le remorqueur de sauvetage Nicolay Chiker (sur la photo).
CBS News indique que les États-Unis ont interprété la présence de la flottille dans les Caraïbes est une réponse au soutien américain à l'Ukraine. Et ce, en particulier depuis que le président Joe Biden a récemment partiellement levé l'interdiction de l'Ukraine d'utiliser des armes fournies par les États-Unis contre des cibles si elles se trouvent sur le territoire russe.
La flottille a passé cinq jours à La Havane avant que l'Admiral Gorshkov et les deux navires de soutien ne partent pour le Vénézuela, tandis que le Kazan s'est, lui, dirigé vers l'Atlantique du Nord, selon le Miami Herald.
Pendant ce temps, de l'autre côté du monde, la Chine a été accusée par les États-Unis d'employer des tactiques "agressives" et "dangereuses" après qu'un navire chinois soit entré en collision avec un navire de ravitaillement philippin en mer de Chine méridionale.
L'incident s'est produit le 17 juin près du récif du banc Second Thomas (sur la photo), un récif submergé à marée haute, situé dans les îles Spratleys qui sont revendiquées par la Chine, les Philippines, Taïwan et le Viêt Nam.
Le banc du Second Thomas est occupé par des membres du personnel de la marine philippine à bord d'un navire, le BRP Sierra Madre, qui s'est échoué, intentionnellement, sur le récif en 1999.
La marine philippine a volontairement échoué le BRP Sierra Madre pour asseoir sa souveraineté nationale sur le récif, également appelé "atoll Ayungin". Le navire est depuis régulièrement ravitaillé.
Le bateau s'appelait, à l'origine, USS Harnett County. C'était alors un navire qui servait à débarquer les chars destinés à l'United States Navy au cours de la Seconde Guerre mondiale. Harnett County a ensuite participé à la guerre du Viêt Nam avant d'être transféré à la Marine populaire vietnamienne (Viêt Nam du Sud) et a été rebaptisé RVNS My Tho. Le navire a officiellement été racheté par la Marine philippine le 5 avril 1976. Nous voyons sur la photo le navire dans les eaux territoriales du Viêt Nam du Sud, entre 1967 et 1970.
Cet incident, qui a eu lieu en juin, est le dernier à déplorer sur une récente série de confrontations qui ont opposées Manille et Pékin. En mars 2024, un navire affrété par la marine philippine entreprenait une mission de ravitaillement routinière en direction des troupes stationnées au banc Second Thomas. C'est à cette occasion que des navires de guerre chinois lui ont barré le passage alors qu'il se dirigeait vers le récif.
Plus récemment, en mai 2024, un navire de la garde côtière chinoise s'est retrouvé face à face avec le bateau de ravitaillement philippin qui se dirigeait vers le BRP Sierra Madre. Les Chinois ont utilisé des canons à eau pour briser le pare-brise du navire de ravitaillement, blessant légèrement quatre Philippins.
CNN rapporte que l'escarmouche de juin s'est produite quelques semaines seulement après que le président philippin Ferdinand "Bongbong" Marcos Jr. ait averti que la mort d'un citoyen philippin en mer de Chine méridionale serait "très proche" d'être d'un acte de guerre.
Le gouvernement philippin a rappelé à Washington plusieurs fois que le traité de défense mutuelle de 1951 entre les États-Unis et les Philippines, qui stipule que les deux parties s'engagent à s'entraider en cas d'attaque par une tierce partie. Sur cette photo datée du 30 août 1951, on voit le secrétaire général des Affaires étrangères des Philippines, Carlos Romulo, signer le traité. Sur la gauche et la droite de la photo, nous voyons, respectivement, le président philippin Elpidio Quirino et le président américain Harry S. Truman qui l'observent.
Pour sa part, la Chine revendique une "souveraineté indéniable" de presque toute la mer de Chine méridionale, y compris la plupart des îles, récifs et bancs de sable qui s'y trouvent. La garde côtière chinoise compte plus de 100 000 personnes et plus de 370 navires, dont plus de la moitié servent à la garde côtière. Renforçant l'affirmation de Pékin, une nouvelle loi autorise sa la garde côtière chinoise à saisir les navires étrangers et à pour garder en détention jusqu'à 60 jours les membres d'équipage soupçonnés d'être entrés en infraction.
La mer de Chine méridionale, une mer côtière dans le Pacifique occidental, se situe à la rencontre de l'Asie du Sud-Est avec l'océan. Ses eaux sont sujettes aux disputes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que plusieurs pays côtiers sont devenus indépendants.
Mais bien avant la Seconde Guerre mondiale, la Chine patrouillait déjà en mer de Chine méridionale. Dès la dynastie Song (960-1279 av. J.-C.), la Chine applique sa juridiction sur de nombreuses îles. Plus tard, des forces navales sont déployées pour anticiper les revendications territoriales de plusieurs nations, dont le Viêt Nam, la Malaisie, Brunéi et les Philippines.
La République populaire de Chine entre en compétition pour la souveraineté de ce territoire marin avec la République de Chine, mieux connue sous le nom de Taïwan. Les deux pays revendiquent presque l'intégralité du territoire comme leur appartenant. Les territoires revendiqués se situent dans ce que l'on appelle la "ligne en neuf traits", comprises entre les traits verts visibles sur la carte. La zone contestée comprend les îles Paracel, les îles Spratleys et le récif de Scarborough.
En effet, es îles Paracel ont été le théâtre d'un conflit entre les forces de guerre navales de la Chine et du Viêt Nam du Sud en janvier 1974, à l'issue de la guerre du Viêt Nam. Ce conflit naval était une tentative de la Marine populaire vietnamienne pour se débarrasser de la Marine chinoise présente sur le territoire. En définitive, la Chine a remporté le contrôle total des îles Paracels. Nous voyons sur la photo la chaîne du Croissant, qui fait partie des îles Paracels, toujours disputée aujourd'hui.
Composées d'îles, d'îlots, de bancs de sable et de plus de 100 récifs et atolls, les îles Spratleys constituent un point chaud en cas d'un conflit mondial pour l'accession à la souveraineté de cette voie maritime cruciale. Sur la photo est montré le banc Sabina, qui appartient aux îles Spratleys.
Cette carte illustre à quel point les îles Spratleys et d'autres îles sont vivement contestées. Brunéi Darussalam, la Chine, la Malaisie, les Philippines, Taïwan et le Viêt Nam revendiquent tous le "droit de propriété" sur la région. Tous occupent, à l'exception de Brunéi, certains territoires maritimes.
L'île Itu Aba est la plus grande des îles Spratleys d'origine naturelle. Ce morceau de terre est administré par la république de Chine (Taïwan), ce qui accroît les tensions entre les deux pays.
La plus grande des îles Paracel est l'île Yongxing, ou l'île Boisée. Les membre de la marine chinoise ont mis le pied sur cette île dès la dynastie Qing (1644-1912). Elle est contrôlée par la République populaire de Chine depuis 1956.
Les conséquences environnementales du conflit en mer de Chine méridionale sont conséquentes. Selon le Centre d'études stratégiques et internationales, les activités de la Chine, notamment la spoliation de terres et la construction de pistes d'atterrissage, de ports et d'autres infrastructures sur ces îles et ces récifs disputés, ont entraîné l'ensevelissement ou la destruction de près de 4 648 acres de récifs. Pour créer des îles artificielles, des navires de dragage à 'hélices servent à briser les récifs coralliens, avant de déverser du sable sur le corail encore en vie. Bien que la Chine ne soit pas la seule responsable, ses actions ont particulièrement été préjudiciables à ces fragiles écosystèmes et ont dramatiquement empiré la dégradation de cet espace naturel.
Les tensions en mer de Chine méridionale menacent d'entraîner la Russie et les États-Unis. En 2019, un destroyer russe, visible sur la gauche de la photo, s'est approché à moins de 30 mètres (100 pi) de l'USS Chancellorsville (renommé en 2023 l'USS Robert Smalls) alors qu'il opérait dans la mer des Philippines.
En mai 2023, la Chine a débuté ce qu'elle a désignée comme étant série d'exercices militaires "punitifs" aux alentours de Taïwan et des îles de Kinmen, Matsu, Wuqiu et Dongyin. Elle déclare répondre à des actes présumés "séparatistes" perpétrés par Taipei (la capitale de Taïwan) et d'autres "forces extérieures".
L'année suivante, en mai 2024, les États-Unis ont participé à une opération de tir à balles réelles dans le cadre d'un entraînement militaire conjoint entre les États-Unis et les Philippines à Laoag, dans la province d'Ilocos Norte.
Le nom de code de cet exercice militaire est "exercice Balikatan" (soit "côte à côte"), l'exercice militaire conjoint a nécessité 16 000 soldats, avec des manœuvres allant au-delà de la mer territoriale des Philippines jusqu'à la mer de Chine méridionale contestée. Ce qui est un message d'opposition claire allant à l'encontre des revendications de la Chine. Il y a, notamment, eu des manœuvres dans la province septentrionale de Cagayan, dans les Philippines, à proximité de Taïwan. Ces jeux de guerre ont fait suite à l'incident aucours duquel la Chine a été accusée par les Philippines d'avoir attaqué leurs navires avec des canons à eau près du banc Second Thomas très disputé.
Discutant en avril 2024 la situation de plus en plus frictionnelle, nous pouvons voir sur la photo le secrétaire à la Défense des Philippines, Gilberto Teodoro (à gauche), à côté, le président des Philippines Ferdinand Marcos Jr. (au milieu), le secrétaire aux Affaires étrangères Enrique Manalo, et le secrétaire à la Défense des États-Unis Lloyd Austin. Ces derniers préviennent : "nous ferons tout notre possible pour remplir les obligations de notre mandat pour protéger l'intégrité territoriale, la souveraineté et les droits souverains. Il devrait maintenant être clair pour la communauté internationale que les actes perpétrés par la Chine sont les véritables obstacles pour maintenir paix et stabilité en mer de Chine méridionale."
Sources : (CNN) (CBS News) (Reuters) (Centre for Strategic and International Studies)
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