Un tour d'horizon des nations où être soi-même est un crime
Le non-respect du droit international humanitaire entraîne des conséquences graves pour les populations civiles. L’augmentation des attaques contre les hôpitaux et le personnel soignant s’inscrit dans des stratégies de contrôle et de démoralisation des communautés locales, violant ainsi les Conventions de Genève, qui protègent les infrastructures médicales civiles, même en temps de guerre. Quel est l’impact d’un accès restreint aux soins sur la santé publique ? Que se passe-t-il lorsque les principes du droit humanitaire sont bafoués ? Et comment renforcer la sécurité des établissements de santé ? Cliquez sur la galerie pour découvrir les réponses à ces questions.
En octobre 2024, Israël a lancé une frappe aérienne sur l'hôpital des Martyrs d'Al-Aqsa à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza. Des milliers de personnes s’abritaient sous des tentes autour de l’hôpital. Au moins quatre personnes ont été tuées, et de nombreuses autres blessées. Parmi les victimes, une mère et son fils ont péri dans les flammes, piégés dans leur tente en feu.
Ce drame n’est qu’un exemple parmi tant d’autres d’attaques ayant endommagé ou détruit les infrastructures de santé à Gaza. Selon un article du Washington Post, sur les 36 hôpitaux que compte Gaza, seuls quatre étaient encore opérationnels en mai 2024. À cette date, 90 attaques contre des hôpitaux avaient déjà été recensées sur le territoire.
En octobre 2024, les forces israéliennes ont fait une descente à l’hôpital Kamal Adwan, le dernier hôpital encore en fonctionnement dans le nord de Gaza. L'armée israélienne a également incendié plusieurs parties du bâtiment, détruisant les entrées de l’hôpital ainsi qu’une partie des infrastructures environnantes. Environ 600 personnes déplacées s’y abritaient.
L'armée israélienne a arrêté tout le personnel médical de l’hôpital Kamal Adwan (soit 69 membres en tout), à l'exception d'un médecin, en les accusant d’être des membres du Hamas. Les forces israéliennes ont également tué, blessé et/ou arrêté plusieurs patients ainsi que leurs proches. Aucun élément de preuve n'a été fourni pour appuyer les accusations formulées par l'armée israélienne.
La situation dans le nord de Gaza se détériore rapidement. L'armée israélienne a ordonné l'évacuation totale de la région, mais de nombreux habitants n’ont nulle part où aller. Les frappes aériennes et les raids se sont intensifiés, entraînant des centaines de morts rien qu’en octobre 2024, dont une large proportion d'enfants.
Les ambulances sont également fréquemment ciblées, qu'elles soient en route vers les hôpitaux ou qu'elles tentent de secourir les blessés et de récupérer les corps. L’armée israélienne les accuse de transporter des militants en mission, bien qu’aucune preuve de telles activités n’ait été présentée.
En octobre 2024, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a mené une mission d'enquête sur les crimes de guerre à Gaza. D'après leur rapport, le ciblage des hôpitaux par les forces israéliennes constitue des "crimes de guerre incluant le meurtre volontaire, les mauvais traitements, et le crime contre l'humanité d'extermination."
Selon le droit humanitaire international, toute personne blessée ou malade, qu'il s'agisse de civils ou de militaires, a le droit au respect, à la protection et aux soins.
Le droit humanitaire international accorde également des protections spécifiques aux personnels médicaux, aux unités de soin et aux hôpitaux. Cette protection ne peut être remise en question que si les infrastructures médicales sont utilisées comme bases pour lancer des attaques.
Israël a souvent formulé de telles accusations, affirmant que certains hôpitaux serviraient de bases militaires, de lieux de détention d’otages, de dépôts d’armes ou d’abris pour des combattants se mêlant aux civils. Que ce soit à Gaza ou au Liban, l’argument reste le même. Cependant, aucune preuve n’a été fournie pour étayer ces affirmations.
Le Hamas, d'autres groupes militants ainsi que le personnel hospitalier, nient fermement l'utilisation des hôpitaux à des fins militaires. L'interdiction d'accès imposée aux journalistes et aux médias étrangers rend presque impossible la vérification des déclarations du gouvernement israélien.
Par exemple, une vidéo publiée par les Forces de défense israéliennes prétendait avoir découvert des armes et de la technologie militaire à l'hôpital pour enfants Al-Rantisi à Gaza. Dans cette vidéo, un document accroché au mur, écrit en arabe, est présenté comme une liste indiquant quels terroristes gardaient des otages israéliens, supposément détenus sous l'hôpital.
La vidéo a été largement diffusée, et le document avec plusieurs passages surlignés a rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Ce qui avait été présenté comme une liste de terroristes s’est avéré être simplement un calendrier, sans aucun nom, seulement les jours de la semaine.
L'utilisation des exceptions prévues par le droit humanitaire sans apporter de preuves vérifiées est une tactique souvent employée par l'armée israélienne. Cette utilisation du droit international pour justifier les violences pose un défi complexe.
Les attaques contre les systèmes de santé ne se limitent pas à la guerre à Gaza. En Ukraine, un site de surveillance appelé "Attaques contre les structures de santé en Ukraine" a recensé plus de 770 attaques contre des hôpitaux et des cliniques depuis février 2022.
En juillet 2024, une frappe aérienne russe a touché l'hôpital pour enfants Okhmatdyt à Kiev, causant la mort de 27 personnes et faisant 117 blessés. Le département de toxicologie a été complètement détruit, et les unités de soins intensifs ainsi que les services de chirurgie et d'oncologie ont été gravement endommagés.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a confirmé près de 1 900 attaques contre des établissements de santé, du personnel médical, des patients, des fournitures et des véhicules de transport depuis février 2022. L'OMS a maintes fois averti la Russie que les attaques intentionnelles contre les hôpitaux et les infrastructures médicales constituaient des crimes de guerre.
En octobre 2024, la Russie a mené plusieurs attaques sur la ville de Kharkiv. En plus de causer des dommages aux immeubles résidentiels et aux sites patrimoniaux protégés par l'UNESCO, les frappes ont également visé un hôpital. À Kryvyï Rih, un autre hôpital a été ciblé par des missiles balistiques.
Les attaques de la Russie contre les hôpitaux et les infrastructures médicales ne se limitent pas à la guerre en Ukraine. En Syrie, son implication dans la destruction des infrastructures civiles a également été largement attestée.
La Russie a collaboré de manière constante avec les forces de Bachar al-Assad tout au long de la guerre civile en Syrie. En 2015, elle a intensifié ses actions, commettant plusieurs crimes de guerre ciblant des hôpitaux.
En mai 2024, un membre de la famille d'une victime, avec l'aide de l'organisation humanitaire syrienne "Hand in Hand for Aid and Development", ont déposé une plainte auprès du Comité des droits de l'homme de l'ONU concernant une série de frappes aériennes en 2019 sur l'hôpital chirurgical de Kafr Nobol, à Idleb, qui avaient tué deux civils.
Kafr Nobol n'était pas le seul hôpital visé ce jour-là. Au moins trois autres établissements ont également été attaqués. Selon l'organisation "Physicians for Human Rights", entre 2011 et 2019, 566 attaques ont été menées contre des installations médicales en Syrie, entraînant la mort de 900 travailleurs de la santé. Environ 90 % de ces incidents ont été perpétrés par le gouvernement syrien et ses alliés.
Au Soudan, la violence effroyable de la guerre civile a laissé Khartoum-Nord (l'une des trois villes formant la capitale Khartoum) avec un seul hôpital encore en fonctionnement. L'OMS rapporte que plus de 100 attaques contre des infrastructures de santé ont été enregistrées depuis avril 2023.
En plus des attaques incessantes contre les infrastructures médicales, le déplacement de plus de 11 millions de personnes a considérablement perturbé l'accès au personnel soignant. La situation sécuritaire a également entraîné un accès extrêmement limité aux fournitures médicales essentielles.
En octobre 2024, l'attaque contre la seule unité de maternité de l'hôpital saoudien de la ville d'El Fasher, capitale de l'État du Nord-Darfour, a blessé 10 membres du personnel médical et détruit plusieurs services, y compris le service des urgences. Les systèmes d'eau et d'énergie de l'hôpital ont également été endommagés.
Avant le début de la guerre, Al-Fasher comptait huit hôpitaux en fonctionnement. Les bombardements n'ont laissé qu'un seul établissement encore opérationnel : l'hôpital de maternité Al-Saudi, qui n'est désormais que partiellement fonctionnel.
Pendant la guerre civile en cours au Yémen, les hôpitaux n'ont pas été épargnés. Les frappes aériennes menées par la coalition saoudo-émiratie, qui ont ciblé des infrastructures civiles, y compris des hôpitaux, ont causé la mort de milliers de civils.
Le Yemen Archive, un projet de récolte de données, a recensé plus de 130 attaques contre des structures médicales jusqu'en 2019. Un hôpital de la ville d'Al-Hodeïda a été visé à trois reprises, entraînant la destruction de matériel médical et un incendie important qui a presque entièrement détruit un étage de l'hôpital.
Si une attaque contre un hôpital ou une installation médicale est considérée comme justifiée selon le droit international, les dispositions exigent qu'un avertissement soit donné pour permettre l'évacuation des blessés et des malades.
Les attaques doivent néanmoins respecter un certain nombre de règles, notamment le principe de proportionnalité, afin de minimiser les risques pour les patients et le personnel médical. Les réglementations prévoient également des mesures permettant la restauration rapide des installations après une attaque.
Sources: (Al Jazeera) (Human Rights Watch) (AP News) (Open Society Foundations) (International Committee of the Red Cross) (Politico) (NBC News) (The Washington Post) (France 24) (OCHA) (Attacks on Healthcare in Ukraine) (United Nations) (World Health Organization) (The Century Foundation) (Physicians for Human Rights)
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